Mais qui donc est chargé de tenir cette lugubre et sordide comptabilité des soldats Français morts depuis près de 6 ans en Afghanistan ?….Il semblerait que nous en soyons quelque part entre 45 et 50, et à chacun d’entre eux tous les médias s’en font écho….le Président se déplace pour décorer un coussin posé sur un cercueil, sans que soit posées les véritables questions: Pourquoi?…Jusqu’à où?…..Jusqu’à quand?….A chaque guerre ces trois interrogations reviennent comme une litanie…Cette fois ci, pourtant on, peut se demander à quoi correspond cette cohorte d’enterrements et d’hommages auxquels nous sommes conviés à propos d’un conflit qui en un peu plus d’une demi décade aura fait, en fin de compte moins de victimes qu’en une seule année sur les routes du Loiret!….
Certes le destin de ces hommes tombés au nom d’une cause dont on a bien du mal à saisir ni l’opportunite, ni la finalité méritent, que l’on pense à eux et qu’on les honore…..Tous avaient fait de l’armée leur métier, et de ce fait avaient sans doute accepté une certaine connivence avec le destin qui les aura frappés…..Ne me faites pas dire qu’ils « étaient payés pour ça », ce serait indigne: aucun salaire ne justifie que l’on y laisse sa peau….Dans beaucoup de cas il se sera agi de jeunes garçon auxquels l’armée aura proposé une échappatoire au chômage et à un destin sans doute plus difficile dans la Société Civile!….Sans doute la perspective de primes d’expatriation plutôt avantageuses aura t-elle fait le reste, et le piège se sera refermé sur une cinquantaine de garçons qui n’avaient pas plus que cela vocation à exercer la profession de soldat!
Et c’est à ce moment, que je me souviens de ces guerres mondiales ou coloniales où l’on avait fini par ne plus compter les morts d’une façon aussi précise qu’analytique…..Quelques millions en 1914/1918….Peut être un peu moins de 1939 à 1945….Et dont les noms s’inscrivent sur les monuments aux morts de nos villes ou de nos villages…..Ceux là on n’a jamais su précisément à quel chiffre le compteur s’était arrêté !
Pour les souvenirs qui me concernent, j’évoquerai la Guerre d’Algérie, dont on a arrêté le decompte approximatifs pour la priode 1954/1962 à 30000 Français et 160000 Algériens ( y compris les morts civils)……C’était le temps où l’on avait renoncé à compter les morts quotidiens: chaque jour les bateaux débarquaient sur les quais de Marseille leur cargaison de cercueils qui étaient acheminés vers leur région , leur ville et leur famille !….Avec le temps, on a fini par graver leurs noms sur les monuments en dessous de ceux de leurs aînés ( ou derrière le monument, quand il n’y avait plus de place)….On reconnait leur nom à la gravure dont la dorure est moins altérée par le temps que celle de leurs aînés…..Tous sont « Morts pour la France »…..En un temps où on ne les comptait pas aussi précisémment les soldats tués qu’aujourd’hui…..Sachant que par ailleurs on ne les comptera jamais plus……
Comment interpréter cela ?…..Sauf à admettre de façon definitive cette peur de la Mort qui est devenue l’un des signes les plus significatifs de notre Société……
A partir de celà, il faut que la guerre elle même apparaisse comme « aseptisée » et en dehors de toutes visions d’horreur et de cruauté, lesquelles ne doivent sous aucun prétexte sortir du domaine qui leur est réservé : le cinéma spécialisé et les jeux vidéo sur console!….
Mais alors me direz vous: moins de 50 morts français en Afghanistan en 6 ans….C’est un peu comme si nous n’avions plus de Guerre ?
N’en croyez rien, car la Guerre aujourd’hui s’est glissée dans toutes nos villes, nos quartiers et même nos immeubles…..Cette Guerre insidieuse et qui ne dit pas son nom s’appelle chômage, misère et exclusion…..Point de gradés ni de fantassins, ni même d’uniformes, juste des silhouettes qui ploient et puis se courbent pour finir par tomber à moins qu’elles en arrivent à s’estomper jusqu’à disparaître…..
Tout cela vient de loin et avait été parfaitement bien vu par Félix Leclerc, l’ancêtre fondateur des chanteurs Québécois, et qui déjà dans les années 70 avait parfaitement perçu les dangers cette guerre moitié civile moitié sociale , et qui surnoisement ne compte pas non plus ses victimes…..
La chanson s’intitulait « Les 100000 façons de tuer un homme » et au point où nous en sommes arrivés, on peut bien convenir que cette chanson fait aujourd’hui figure de prophétie, par rapport à l’époque où elle fût écrite……
Vous reconnaîtrez sans ce texte les particularités d’écriture de nos amis Franco Canadiens et qui depuis nous sont devenues familière, mais pour le sens général et la conclusion il semble bien que nous y soyons parvenus !
Sur les cent mille façons de tuer quelqu’un
La plus dangereuse c’est le coup de fusil
La plus onéreuse c’est le coup de canon
Ca demande une équipe entraînée au bruit
Y a toujours la corde dite de pendaison
Pour le noeud coulant, il faut avoir le don
Sûr que la noyade attire les moroses
Mais pas garantie parce que l’eau réveille
Y a le bon vieux poison mais là il faut la dose
Pas assez: tu dors et un peu trop: tu veilles
Le gaz est plus propre, pas de commentaires
Mais à tout instant gare au courant d’air
Non je crois que la façon la plus sûre de tuer un homme
C’est de l’empêcher de travailler en lui donnant de l’argent
Le rasoir, ma foi cette saloperie
A ses fanatiques parce que c’est tranchant
La hache et le couteau et la scie aussi
Mais c’est un domaine bourré d’accidents
Très peu efficace est la collision
Ca brise une face, laisse des lésions
Pour mourir de soif, faut de la volonté
Le dégoût de l’eau, et aussi la santé
Non vraiment j’y tiens: la meilleure façon de tuer un homme
C’est de le payer à ne rien faire.
Entre mourir d’amour ou bien mourir de rire
La plus achalandée, c’est difficile à dire
Les deux finissent en spasmes, en soubresauts, en transes
Mais les deux sont aussi
Le rire toujours comique
Et l’autre romantique.
La chaise électrique c’est très indécent
Sauter dans le vide pas toujours prudent
Etrangler quelqu’un c’est perdre ses sens
Le trancher c’est bien pire, c’est les sans dessus dessous
Non vraiment , je reviens aux sentiments premiers
L’infaillible façon de tuer un homme
C’est de le payer pour être chômeur
Et puis c’est gai dans une ville: ça fait des morts qui marchent!
Je ne te suis pas bien dans ce raisonnement morbide…
Où donc places-tu les retraités ? Car ils sont eux aussi payés pour ne plus rien faire !… Sont-ils déjà morts pour autant ? Ou, plus pernicieux encore, les pensionne-t-on pour qu’ils « s’entraînent » à mourir ?…
Pour ma part, je trouve que disposer d’un peu d’argent sans plus avoir à « perdre son temps à gagner sa vie » présente quelques avantages… Ca ne dure pas éternellement bien sûr et ça se termine toujours mal et trop vite. La vie n’est qu’une longue maladie puisqu’on finit toujours par mourir, mais tant que ça dure, c’est toujours bon à prendre.
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